Formation professionnelle : incidences de la loi Rebsamen sur la consultation du Comité d’entreprise

Interview de Philippe Jaumeau, consultant RH indépendant, spécialiste de la formation.
Depuis le 1er janvier 2016, le processus de consultation du CE en matière de formation professionnelle est profondément remanié…
C’est le moins que l’on puisse dire ! La loi Rebsamen d’août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, transforme les modalités de consultation du comité d’entreprise. Avant la loi, la formation professionnelle était l’objet d’une des 17 consultations/informations obligatoires pour l’employeur. En 2016, ce nombre total de consultations passe de 17 spécifiques à 3 génériques annuelles, dont la loi ne fixe ni l’ordre ni le calendrier. La formation professionnelle relève de deux d’entre elles :
- la consultation qui porte sur « les orientations stratégiques de l’entreprise », où doivent entre autres être abordées les orientations de la formation professionnelle ;
- la consultation sur « la politique sociale de l’entreprise », qui doit désormais traiter du programme pluriannuel de formation, des actions de prévention, de formation envisagées par l’employeur, et de l’apprentissage.
Passer d’une consultation spécifique du CE sur le sujet de la formation professionnelle, à son intégration à l’intérieur de 2 des 3 grandes consultations génériques, c’est une bonne chose ?
On ne peut pas répondre de manière tranchée à cette question. Une simplification était selon moi indispensable. Au fil des années et de l’évolution du code du travail, les consultations et informations se sont ajoutées les unes aux autres. Rendez-vous compte : 17 consultations ! De surcroît, la formation avait son process propre et autocentré ; cela contribuait à déconnecter la formation professionnelle de ses objectifs. La repositionner dans une approche globale en partant des orientations stratégiques, doit redonner de la cohérence. La formation n’est pas une fin en soi, c’est un des moyens au service de la première ressource de l’entreprise, la ressource humaine, pour assurer la réussite de sa stratégie.
Il manque encore un décret d’application de la loi Rebsamen en matière de formation ?
Oui, un décret attendu depuis fin 2015 doit préciser la nature exacte et le niveau de détail des informations au titre de la formation professionnelle, que les coopératives devront tenir en permanence à disposition du CE dans la base de données unique. Rappelons que cette BDES (base de données économiques et sociales) est obligatoire pour les entreprises de 50 à moins de 300 salariés depuis mai 2015 (depuis mai 2014 pour les plus de 300 salariés). Les obligations seront différentes selon que l’entreprise comptera plus ou moins de 300 salariés.
Conseillez-vous d’attendre la publication du décret pour avancer ?
Non, le décret à venir ne traitera que du détail et pourrait d’ailleurs reprendre la liste des informations transmises avant la réforme de la consultation. Par ailleurs, procéder en 2016 comme en 2015 n’a plus de fondement juridique ; ainsi la disposition réglementaire qui prévoit les deux dates de consultation du CE est désormais caduque ! Les DRH et responsables formation doivent s’emparer de ces changements dès 2016 pour préparer leur mise en œuvre, mais à leur rythme car il y a plus de risques à faire trop vite (et mal) qu’à ne pas faire tout de suite. Les coopératives doivent donc réfléchir à un nouveau calendrier des consultations, au repositionnement de la commission formation lorsqu’elle existe, à la définition d’indicateurs pertinents, comme « l’investissement social formation » que prévoit la consultation sur les orientations stratégiques.
Je crois que l’essentiel est vraiment de saisir l’occasion de réinscrire la formation professionnelle au cœur de la stratégie globale, et de la politique RH en particulier.
C’est aussi une occasion de valoriser la fonction formation !
Ces changements nécessiteront également une adaptation des élus du CE ou de la DUP qui pourraient être moins à l’aise pour traiter des sujets formation dans une approche globale et stratégique alors qu’ils étaient habitués à des consultations formation très opérationnelles. Sans doute faudra-t-il les accompagner.
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