Le risque d’effondrement de silos augmente avec leur âge. Or, le parc français a une moyenne d’âge de 35 ans. Prévenir les risques impose, outre la formation des équipes, que la maintenance dispose de diagnostics fiables et d’un budget adapté.
En 30 ans, le Barpi (Bureau d’analyse des risques et pollutions industrielles) a enregistré 30 ruptures ou effondrements de silos en France. Ces accidents, tous répertoriés dans la base Aria (Analyse, recherche et informations sur les accidents), touchent principalement des cellules métalliques, mais les cellules en béton sont également concernées, avec 9 cas depuis 2002. «Nous avons heureusement évité toute mort d’homme, mais c’est parfois passé tout prés », constate Mathieu Reimeringer, de La Coopération agricole Solutions +, qui craint que les cas ne s’accroissent face au vieillissement. « Le plus grand nombre d ’effondrements s’observe sur les cellules métalliques, même si les cas sur des cellules en béton sont plus spectaculaires », souligne celui qui, à la fois pilote de drone et expert en structure, réalise régulièrement des audits sur sites.
1 PREMIER POINT DE VIGILANCE : LES PIEDS
L’un des points de vigilance sont les pieds des cellules métalliques. Celles-ci peuvent en effet être fragilisées par les accumulations d’eau qui grignotent leurs pieds et les bas, créant ainsi des bréches. À la surprise de nombre d’exploitants,
de telles bréches peuvent même se conclure par une ouverture en éventail de la cellule.
2 TROIS GRANDES CAUSES DE RUPTURE
Dans les ruptures des cellules en béton, trois causes principales sont pointées qui peuvent aussi se combiner : les corrosions, les défauts à la construction ou un ajout aprés la construction, par exemple d’un systéme de vidange latérale, indique le Barpi. Il constate des cas de corrosion des cerces en acier, par infiltration d’eau depuis le toit-terrasse dans les vides de barres à vérins (corrosion non visible), ou encore du ferraillage du béton armé (deux cas sur neuf), un déficit important en armatures horizontales, un manque de ferraillage, un enrobage insuffisant ou un espacement trop important des cerces, ces fameuses armatures ou câbles disposés selon une forme circulaire pour reprendre les efforts d’extension dans tout ouvrage cylindrique en béton.
3 LES CONTRÔLES VISUELS NE SUFFISENT PAS
Les experts rappellent le cas du silo portuaire à Rouen. Le 30 janvier 2012, la paroi cylindrique d’une cellule en béton de 60 m de haut, d’une capacité de 3500 t, s’est rompue transversalement à 15 m, laissant le stock s’écouler sur le quai par la zone endommagée de 4 m2. L’exploitant a immédiatement mis en place un périmétre de sécurité de 150 m de rayon et vidangé la cellule endommagée ainsi que les trois autres constituant le bloc pour limiter la pression sur les parois. « L’analyse des causes de l’accident met en avant le non-respect des données constructives avec, notamment, un manque de ferraillage, un enrobage insuffisant, un espacement des cerces trop important », liste le Barpi. Le Bureau alerte : « Les contrôles visuels ne sont pas suffisants pour prévenir les accidents. Des diagnostics complémentaires par des bureaux spécialisés doivent être réalisés car les prémices d’un effondrement ne sont pas toujours visibles.»
4 FAIRE DES DIAGNOSTICS APPROFONDIS
Le plus impressionnant des effondrements récents de silo de céréales, qui date du 10 août 2018, illustre bien ce cas de figure. Le chauffeur d’un camion a évité de peu l’ensevelissement. Le silo en béton s’est en effet effondré sur 50 % de sa hauteur, juste sur son véhicule dont il s’était par chance éloigné. « Un probléme de pentes des toitures-terrasses datant de la construction de l’ouvrage a permis l’accumulation et l’infiltration d’eau au niveau des vides de barres à vérins mal rebouchés. Cette infiltration a entraîné sur le long terme la corrosion des aciers en cerces sous la terrasse. Sous l’effet de la poussée des céréales lors du remplissage, ces aciers se sont rompus, entraînant en cascade la rupture des cerces non corrodés », explique le Barpi dans son analyse. Pourtant, un diagnostic visuel avait été réalisé un an plus tôt. Il avait alors bien identifié certains désordres, mais pas ceux qui ont été à l’origine de l’effondrement. C’est un constat sans surprise car un diagnostic visuel ne peut pas détecter des corrosions trés localisées comme celles-là. « Pour pallier ce sinistre, le rapport d’expertise préconise une détection généralisée de la corrosion des armatures d’acier dans le béton, par établissement des cartes de potentiel, associée à des sondages ponctuels ciblés sur les résultats de la carte de potentiel établie », compléte le Barpi dans sa note de juin 2019.
Yanne Boloh, Agrodistribution, mai/juin 2020
Retrouvez l’intégralité de l’article : Article_Silos prévenir les effondrements – agrodistribution mai 2020